entourage - Arrêter de fumer, c'est très difficile, mais ça vaut le coup, littéralement : ça vaut 130 000 €.
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Gérard
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Arrêter de fumer, c'est très difficile, mais ça vaut le coup, littéralement : ça vaut 130 000 €.
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En 1980, vers l'âge de trente ans je fumais un paquet de sans filtre par jour. Chaque hiver, j'étais atteint d'une sorte de trachéite, un douloureux mal de gorge accompagné d'une toux qui me rendait la cigarette insupportable pendant une dizaine de jours. Soigné par quelques médicaments en vente libre et par le mépris, cet épisode finissait par s'estomper et je recommençais vite à fumer. J'étais alors un donneur de sang relativement régulier et, à l'hôpital, j'ai vu une annonce pour une double séance collective gratuite d'auriculothérapie promettant l'arrêt du tabac. En février, après une trachéite supplémentaire, je m'y suis inscrit ... pour voir.
Nous étions une quinzaine de personnes. Un médecin nous a expliqué que, sans qu'il comprenne exactement pourquoi, après deux séances d'acupuncture dans les oreilles, il constatait qu'une personne sur trois rentrait à la maison sans plus avoir envie de fumer. Le coût de ces séances étant insignifiant, il ne fallait pas s'en priver. Nous étions quelques années avant l'épidémie de SIDA et les aiguilles d'acupuncture étaient réutilisées après une simple stérilisation. Le médecin nous donna plein de conseils, dont un que j'ai retenu : remplacer l'addiction au tabac par une autre addiction, la seule addiction qui ne soit pas dangereuse : boire de l'eau. Au tournant des années quatre-vingt, ce n'était pas du tout fréquent de voir quelqu'un se balader dans la rue avec une bouteille d'eau à la main.
Après les deux séances, échec total. Je ne ressentis aucune diminution de mon besoin de fumer. Je décidai néanmoins d'en profiter pour tenter de faire une pause tabac au moins jusqu'à mon prochain anniversaire qui est en juin. La bouteille d'eau me fut d'un grand secours. Toujours dans la poche, j'en buvais une gorgée dès que l'envie de fumer me prenait, c'est à dire très souvent. Je réussis avec beaucoup de difficultés à ne pas fumer du tout pendant ces quelques mois.
Mon anniversaire passé, je recommençai à fumer, des blondes cette fois. En deux semaines, je retrouvai mon étiage du paquet par jour. Au travail, mon chef était un fumeur invétéré, trois paquets par jour. Nous avions parfois des séances de travail dans son bureau, des tabagies de plusieurs heures, chacun fumant cigarette sur cigarette sans interruption. J'ai essayé plein de marques, avec un goût certain pour les trucs forts genre sans filtre.
L'hiver suivant, la trachéite survint et je réitérai la pause cigarette jusqu'à mon anniversaire. Le sevrage ne fut que légèrement moins pénible que l'année précédente. Quand je repris, je décidai de ne fumer que quelques cigarettes par jour. Je coupais les cigarettes en deux voire trois. Hélas, une petite contrariété psychologique survint et je repassai au paquet par jour, plutôt au paquet et demi.
Une troisième fois, je réussis à arrêter de fumer entre la trachéite de l'hiver et mon anniversaire de l'été. Et quand je recommençai à fumer, je ne réussis à peu fumer que quelques semaines. J’essayai les cigarettes light . Énorme escroquerie. Il y a certes moins de nicotine mais plus d'agents de texture et de saveur, donc plus de goudrons. Et mon cerveau réclamait de la nicotine. Je mis à fumer encore plus de cigarettes. Ce n'est pas la nicotine qui détruit vos poumons, mais les goudrons. Et c'est grâce au cigarettes light que je passai à deux paquets par jour.
Un soir d'automne, j'étais en avance à un rendez-vous avec celle qui allait devenir mon épouse. J'étais un peu nerveux et fumais cigarette sur cigarette. Et là, soudainement, clairement, je pris conscience de l'énorme puanteur que je dégageais. Je pris aussi conscience que je n'avais pas le choix. Soit continuer à fumer de plus en plus, deux, trois et puis quatre paquets par jour. Soit, totalement, définitivement, arrêter de fumer. Renoncer pour toujours à la cigarette. Renoncer pour toujours !
Je décidai alors d'arrêter de fumer, vraiment, totalement, définitivement. Je profitai d'un week-end à la campagne avec quelques amis pour le faire. Le vendredi soir, dans la voiture qui nous éloignait de Paris, j'annonçai que je fumais ma dernière cigarette. Le sevrage se fit difficilement comme d'habitude, mais c'était une difficulté que je connaissais. Elle ne m’effrayait plus. Ma décision était claire, sans appel. Il y avait accord entre mon cerveau conscient et mon cerveau inconscient et les deux s'aidaient pour combattre le cerveau réclameur de nicotine. J'avais toujours une bouteille d'eau dans la poche. Il me fallut au moins un an pour, quand je sortais d'un cinéma, ne plus mettre automatiquement ma main à la poche y chercher une cigarette.
J'ai arrêté de fumer à l'âge de trente-quatre ans. J'en ai maintenant plus du double, soixante-dix. Je n'ai jamais retouché à une cigarette depuis, et la fumée du tabac m'incommode. Je crois que si je n'avais pas arrêté de fumer, aujourd'hui je serais mort. Je fais du sport, un peu, de l'aviron. À 5 euros le paquet, deux paquets par jour, en trente-six ans, j'ai économisé plus de 130 000 euros ! Aurais-je pu acheter notre maison sans ces 130 000 euros ?
Arrêter de fumer est très difficile. J'ai mis quatre ans à y parvenir. Mais ça vaut le coup au sens littéral du terme : ça vaut 130 000 euros. Plus les gains de santé. Faites-vous aider. Ne culpabilisez pas si vous échouez. Recommencez. Pour moi, le déclencheur fut la prise de conscience de ma puanteur et le sentiment de dépendance, de perte du libre arbitre. Ce qui m'a beaucoup aidé, c'est le truc de la bouteille d'eau.
Bon courage.
stop_smoking_duration
37 ans
validation_date
03/12/2021 00:07
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